La grande santé


Olivier Razac, La grande santé, bien être médical ou vitalité philosophique, Climats/Flammarion, 2006

La médecine protège un corps machine contre des accidents, des dangers et des risques. Envisagé ainsi, ce corps se voit plongé dans le temps oppressant de l’attente, de l’usure et de la prévision. Sa vie est minée par une mort omniprésente qui la grignote et une mort impensable qui la clôt. La grande santé, elle, s’exprime dans un rapport particulier à la dépense où le sacrifice joyeux vient remplacer la comptabilité inquiète ; une pensée du temps qui ne suit pas la pente de l’inévitable dégradation mais s’éternise dans l’instant présent ; une pensée de la mort qui n’est plus l’usure fatale du corps contre laquelle on lutte sans jamais gagner, mais la décision affirmative de la haute puissance. Dès l’antiquité, la philosophie stoïcienne montre que la santé ne dépend pas de nous et que seule une extrême tension de l’âme peut permettre de se maintenir au-dessus de l’accident qu’est la maladie. La puissance éthique de cette philosophie, comme celles de Nietzsche et Deleuze bien plus tard, consiste à faire vaciller l’évidence d’une santé triste qui nous fait entièrement dépendre des caprices du destin. Ces philosophes pensent un corps qui ne se constitue qu’à travers des épreuves et des expériences périlleuses. Ce corps vit un temps immédiat et infini. La mort n’est rien pour lui, sauf une autodestruction qui est l’essence de la vie. Il s’agit d’interroger ces pensées, contre l’obsession mortifère très contemporaine de la conservation de sol et, pourquoi pas, de redécouvrir une vitalité joyeuse.

Lien vers les éditions Flammarion


A propos de Razac

Après des études de philosophie à l'Université Paris 8 dans les années 90 et une période de production d'essais de philosophie politique sur des objets contemporains (le barbelé et la délimitation de l'espace, le zoo et le spectacle de la réalité, la médecine et la "grande santé"). J'ai travaillé pendant huit ans comme enseignant-chercheur au sein de l'Administration Pénitentiaire. C'est dans cette institution disciplinaire que j'ai compris ce que pouvait signifier pour moi la pratique de la philosophie, c'est-à-dire une critique des rationalités de gouvernement à partir des pratiques et dans une perspective résolument anti-autoritaire. Depuis 2014, j'ai intégré l'université de Grenoble comme maître de conférences en philosophie. Je travaille sur la question de l'autorité politique, sur les notions de société du spectacle et de société du contrôle. J'essaie également de porter, avec les étudiants, des projets de philosophie appliquée déconstruisant les pratiques de pouvoir. Enfin, nous tentons de faire vivre un réseau de "philosophie plébéienne", anti-patricienne donc, mais aussi en recherche de relations avec tous nos camarades artisans de la critique sociale.

Laissez un commentaire