La critique de l’expertise psychiatrique chez Foucault


Télécharger le PDF

1. La critique du niveau de savoir

         « Des discours qui font rire1 »

Le début du cours au Collège de France de 1974-1975 intitulé « Les anormaux » est une attaque en règle contre l’expertise psychiatrique. Le premier angle d’attaque choisi par Foucault est une sorte de preuve « par l’exemple ». Un peu à la manière du début de « Surveiller et punir » où il juxtapose la description du supplice de Damiens et le règlement d’une prison pour mineurs du 19e siècle pour en faire apparaître le contraste, Foucault fait la lecture de larges extraits de deux expertises psychiatriques, une de 1955 et l’autre de 1973. L’objectif de cette lecture n’est pas d’abord de faire comprendre quelque chose mais de provoquer un effet, et cet effet est évident, au minimum ces expertises font sourire. Une note de la publication du cours fait même référence « aux fréquents rires qui ont accompagné la lecture des expertises2 » perceptibles sur les enregistrements. Ce n’est qu’à partir de cet effet recherché et obtenu que Foucault peut déployer les différents axes de sa critique. Le problème est que, quelle que soit la pertinence des arguments avancés, ils reposent sur la présence de ce rire, comme évidence vécue non démontrable. De la même manière que le lecteur de « Surveiller et punir » peut ressentir en cinq pages la rupture historique radicale des technologies punitives à la fin du 18e siècle avant qu’une véritable démonstration ne soit menée.

Essayons malgré tout de repérer ce qui fait rire dans ces discours et comment Foucault s’y prend pour transformer cet effet ponctuel en considérations générales. Il y aurait d’abord un comique basé sur la naïveté et plus précisément la naïveté savante d’un Pangloss, le métaphysico-théologo-cosmolo-nigologue du Candide de Voltaire. « Les êtres de son espèce ne se sentent, en somme, jamais très bien assimilés au monde où ils sont parvenus ; d’où leur culte pour le paradoxe et pour tout ce qui crée du désordre. […] Mais nombre ne peuvent s’élever au-delà de la médiocrité et cherchent à attirer l’attention par des extravagances vestimentaires, ou bien encore par des actes extraordinaires. On trouve chez eux de l’alcibiadisme et de l’érostratisme. Ils n’en sont plus évidemment à couper la queue de leur chien ou à brûler le temple d’Ephèse, mais ils se laissent parfois corrompre par la haine de la morale bourgeoise3. » Le ridicule vise ici le type de savoir mobilisé dans le discours d’expertise, un savoir à l’apparence sérieuse et savante immédiatement disqualifié par le rire. La question posée est donc naturellement : Comment un tel discours peut-il fonctionner en tant que légitimation « scientifique » du pouvoir de punir ? Il y aurait ensuite un comique reposant sur l’outrance des propos, le style enflé et décalé vis-à-vis de l’époque et de l’importance de la situation où ils se tiennent. « Cet Y., successivement ou simultanément amant ou maîtresse, on ne sait pas de X., incite au mépris et au vomissement. X. aime Z. Il faut avoir vu l’allure efféminée de l’un et de l’autre pour comprendre qu’un tel mot puisse être employé, quand il s’agit de deux hommes tellement efféminés que ce n’est plus Sodome, mais Gomorrhe, qu’ils auraient dû habiter4» On ne s’attend certes pas à entendre de telles considérations en plein procès dans les années 1970. Cet aspect comique pose la question du type de pouvoir qui s’exerce à travers l’expertise psychiatrique. Où est la loi ? Où est la pathologie mentale ? Quel pouvoir peut bien s’exprimer par « le mépris et le vomissement » ? Enfin, Foucault joue sur un comique de répétition en lisant ces deux expertises à la suite. Après la première lecture d’un texte de 1955, le public s’attend à une différence notable avec celui de 1973. Or, le second est tout aussi ridicule que le premier et pour les mêmes raisons. Ils sont presque permutables, tout se passe comme si rien n’avait bougé. Le problème de l’expertise ne serait donc pas lié à un retard de développement scientifique mais lui serait intrinsèque. Ce qui est implicitement signifié, c’est qu’il ne suffira pas de s’armer de patience en attendant une quelconque réforme de l’expertise psychiatrique pénale, il faut analyser ce niveau épistémologique pathétique, ces discours triviaux et ces effets de pouvoir démesurés comme des pièces à part entière de son fonctionnement.

         Une critique épistémologique ?

Le problème est donc que l’essentiel de la critique épistémologique des discours d’expertise que Foucault esquisse repose sur cette évidence du ridicule. Il faudrait donc la réactiver pour reprendre telle quelle l’argumentation foucaldienne. Or, cela semble plus difficile à faire aujourd’hui (il n’est pas sûr qu’il suffise de citer des expertises pour faire rire…). Que peut-il alors rester de la critique foucaldienne en ce qui concerne le niveau de scientificité des discours d’expertise ? Principalement deux choses : Premièrement, Foucault feint de faire une « constatation » historique, par exemple lorsqu’il affirme que le dossier Pierre Rivière était « un livre piège », que c’était « une manière de dire à messieurs les psys en général (psychiatres, psychanalystes, psychologues…), de leur dire : voilà, vous avez cent cinquante ans d’existence, et voilà un cas contemporain de votre naissance. Qu’est-ce que vous avez à en dire ? Serez-vous mieux armés pour en parler que vos collègues du XIXe siècle ? […] Or ils ont été littéralement réduits au silence. […] Et, dans cette mesure-là, je crois que les psychiatres d’aujourd’hui ont reconduit l’embarras de ceux du XIXe siècle, ont montré qu’ils n’avaient rien de plus à dire5. » Comment Foucault peut-il affirmer que le discours d’expertise n’a pas évolué depuis le 19e siècle ? C’est qu’il ne s’agit pas de dire que ce discours est aujourd’hui le même qu’hier. Il est tout à fait possible de défendre que les termes utilisés et les notions mobilisées ont changé, que la profession s’est affermie et le cadre réglementaire précisé6. Ce qui n’a pas changé, c’est la limite épistémologique effective de l’expertise, c’est-à-dire son incapacité à établir un diagnostic indiscutable et, plus encore, à faire des pronostics fiables. Cela pourrait suffire à douter du « progrès » de l’expertise, voire à le considérer comme un simple toilettage superficiel du vocabulaire. Plus encore, Foucault veut montrer qu’il n’y a en fait que peu de rapport entre le développement scientifique de la psychiatrie et le niveau épistémologique de l’expertise. Il y a un décrochage épistémologique entre les deux qui reste malgré tout à expliquer. Car, là aussi, il s’agit d’une sorte de « preuve » par l’exemple. Le fait que les « psys » n’aient rien pu dire de nouveau sur le cas Rivière ne constitue certes pas une démonstration suffisante.

C’est pourquoi, en deuxième lieu, il est nécessaire d’en venir à une explication (non pas structurale, on sait ce que Foucault en aurait dit) mais disons fonctionnelle. De part sa seule position dans le fonctionnement d’un dispositif, ou plutôt au milieu du fonctionnement de plusieurs dispositifs, le discours d’expertise serait condamné à la nullité scientifique. Car, en fait, les discours d’expertise possèdent un statut bâtard. Ce ne sont évidemment pas des discours judiciaires mais ce ne sont pas non plus des discours médicaux à proprement parler. Ils se placent très précisément à la jonction entre ces deux types d’énoncés et entre ces deux configurations de pouvoir, c’est-à-dire qu’ils ne portent pas sur des malades mais ils ne portent pas non plus sur des infracteurs. Ils portent, en le créant, sur un personnage à la pliure entre ces deux figures. Pendant toute la seconde moitié du 19e siècle, Foucault nous dit que c’est « le pervers » en tant qu’il représente un danger, le domaine de la perversité et du danger, qui vont permettre de faire la jonction entre les deux domaines. L’essentiel de la démonstration foucaldienne consiste à montrer qu’il n’y pas d’échange, de transposition, de circulation possible entre les énoncés et les pratiques judiciaires et médicales sans une dégradation épistémologique. Les deux types de discours ne peuvent se mélanger en conservant leur pureté, c’est-à-dire leur rigueur scientifique d’un côté et juridique de l’autre. En voulant évoquer d’un geste deux objets hétérogènes (l’infracteur et le malade), l’expertise n’atteint ni l’un ni l’autre mais elle produit, ou elle retombe, sur un objet sans consistance et sans dignité épistémologique. Plus encore, Foucault insiste sur le fait que ce mélange « malheureux » est en fait la condition nécessaire au branchement réciproque du judiciaire et du médical. Tout se passe comme si la seule façon de relier ces deux domaines était de s’en tenir à ce qu’ils ont de commun, c’est-à-dire l’écart à la norme, mais cela ne peut pas être la norme juridique – norme du légal dont l’écart est l’acte illicite– ni la norme médicale – norme du sain dont l’écart est l’état pathologique – ce sera donc la norme morale de sens commun – norme tautologique du normal dont l’écart est l’anomalie toujours potentiellement dangereuse. « La jonction du médical et du judiciaire, qui est assurée par l’expertise médico-légale […] n’est effectuée que grâce à la réactivation de ces catégories que j’appellerai les catégories élémentaires de la moralité7. » D’une part, il s’agit de « la réactivation d’un discours essentiellement parento-puéril, parento-enfantin, qui est le discours du parent à l’enfant, qui est le discours de la moralisation même de l’enfant. [D’autre part,] ce sera le discours de la peur, un discours qui aura pour fonction de détecter le danger et de s’opposer à lui. C’est donc un discours de la peur et un discours de la moralisation, c’est un discours enfantin, c’est un discours dont l’organisation épistémologique, tout entière commandée par la peur et la moralisation, ne peut être que dérisoire, même par rapport à la folie8. » On y reviendra.

         L’explication tactique

Cependant, encore faut-il peut-être se poser la question de l’intérêt d’un tel positionnement de la psychiatrie au 19e siècle. Or, cet intérêt est double, ou plutôt, il s’agit de la rencontre, de la connexion de deux nécessités tactiques. Le premier besoin tactique est du côté de la psychiatrie. Pourquoi se fourvoyer dans ce décrochage épistémologique ? Réponse de Foucault : Pour asseoir sa légitimité en tant que discipline nouvelle en conquérant une nouvelle modalité de pouvoir sans avoir à passer par une légitimation purement scientifique inaccessible. Cette conquête passe par une insertion dans le pouvoir de punir à une place tout à fait stratégique. Le fait d’incruster le regard de l’expert au cœur du jugement permet de se placer entre et donc de relier deux espaces : Celui des conditions du crime qui pose la question de la prévention et celui du traitement du criminel qui suppose une prise en charge de type médical. La légitimité psychiatrique passe alors, grâce à son jeu judiciaire, par une prophylaxie et une thérapeutique du danger social « Il y a la volonté chez les psychiatres de fonder leur pratique sur quelque chose comme une défense sociale, puisqu’ils ne peuvent pas la fonder en vérité9. »

Le deuxième besoin tactique est du côté de la justice. Il correspond à une « crise » du pouvoir de punir dans laquelle la légitimité et la rationalité punitives ne peuvent plus fonctionner seules. Plus précisément, à partir de cas où la démence n’est pas démontrée mais où la rationalité de l’acte reste opaque, la justice doit faire appel à une explication « scientifique » pour justifier l’application du code. Mais, cette explication, le juge est bien incapable de la retranscrire en termes juridiques, de se l’approprier et de la maîtriser. C’est pourquoi Foucault parle d’une « perméabilité réticente » du judiciaire au désir de la psychiatrie, les deux formant une « curieuse complémentarité » entre embarras judiciaire et convoitise psychiatrique. Cette complémentarité nouée sur des cas extrêmes va bien sûr s’étendre progressivement à tous les jugements dans la mesure où, finalement, le droit est bien incapable de sanctionner des déviances. Le juge ne peut qu’être mal à l’aise dans cette activité, il a besoin pour cela d’un conseiller « scientifique » qui joue finalement le rôle d’un soutien « moral ». « En fait, le psychiatre ne parle pas de la psychologie du délinquant : c’est à la liberté du juge qu’il s’adresse. Ce n’est pas de l’inconscient du criminel mais de la conscience du juge qu’il est question. […] Les rapports psychiatriques constituent des tautologies : « Il a tué une petite vieille ? Oh, c’est un sujet agressif ! » Avait-on besoin d’un psychiatre pour s’en apercevoir ? Non. Mais le juge avait besoin de ce psychiatre pour se rassurer. […] Rien de mieux contre l’angoisse de juger10. »

2. La critique des effets de pouvoir

            Un pouvoir implicite et démesuré

Cependant, si ces discours n’étaient que nuls, placés à un degré de scientificité proche de zéro, on ne voit pas très bien ce qui pourrait justifier leur importance historique. Le véritable problème est qu’ils possèdent en même temps un pouvoir exorbitant – celui de « déterminer, directement ou indirectement, une décision de justice qui concerne, après tout, la liberté ou la détention d’un homme. […] Des discours qui ont, à la limite, un pouvoir de vie et de mort11. » Or, ce pouvoir reste, aujourd’hui encore, implicite, dans la mesure où l’expert ne possède pas une capacité de décision lors du procès. Son rôle se limite à éclairer le juge ou les jurés sur des questions relatives à une spécialité technique qu’ils ne sont pas censés maîtriser. Bien sûr, personne (ou presque) ne peut se contenter d’une telle vision des choses et cela depuis longtemps déjà. Ainsi, commentant la situation à la fin du 19e siècle, Frédéric Chauvaud montre que le prestige des experts est solide s’appuyant alors sur des grandes personnalités et sur un récit presque mythique des progrès de la médecine légale. « A la lecture d’une telle histoire, les magistrats ne peuvent qu’être impressionnés. Si jamais l’idée leur venait de mettre en cause telle personnalité ou telle théorie, c’est l’ensemble de la médecine mentale et des médecins aliénistes qu’il faudrait remettre en cause et combattre. De la sorte, même s’ils doutent de l’authenticité d’un tel savoir, nombre d’entre eux reculent devant l’affrontement et préfèrent user d’une stratégie d’évitement plutôt que de se dresser seuls, ou presque, contre la science des « cerveaux déréglés ».12 » Certes la situation a changé – particulièrement en termes de récit et de personnages illustres mais il est toujours aussi indéniable que le rapport d’expertise psychiatrique possède une place très importante et parfois (souvent ?) décisive dans le déroulement d’un procès.

En suivant Foucault, on peut expliquer la réalité effective de ce pouvoir implicite d’au moins deux manières. La première consiste à mettre en relation le discours de l’expert et la crise du pouvoir de punir, de la légitimité punitive. Il s’agit de la « curieuse complémentarité » dont il a déjà été question. La deuxième consiste à montrer comment l’expertise fonctionne dans la procédure pénale de manière à produire des effets « illégaux » ou « supra-légaux », en tout cas non prévus par le code. Foucault montre ainsi comment l’expertise a permis très tôt de tourner, de fausser le principe de l’intime conviction du juge ou des jurés (dès 1832 et la définition des circonstances atténuantes). Pourtant, le principe d’intime conviction était censé garantir le jugement de l’arbitraire du système des preuves légales d’Ancien régime, en particulier grâce à trois principes :

1. La nécessité d’une certitude totale qui « remplace » la possibilité de prononcer une peine partielle en cas de preuves partielles.

2. La liberté de la preuve, c’est-à-dire que la preuve n’a pas besoin d’être prévue en tant que telle par la loi (mais sa présentation est toutefois précisément encadrée). Il suffit qu’elle soit probante pour l’esprit qui juge.

3. Le seul vrai critère de la preuve est la conviction qu’elle produit chez un sujet partageant avec les autres les mêmes capacités et règles de rationalité.

Or, selon Foucault, le discours d’expertise fausse ces principes. Premièrement, en reconstituant comme une arithmétique de la preuve et de la peine contrairement au principe de « certitude totale ». Dans les cas où, malgré le nombre de preuves à charge, il subsiste une incertitude, en toute rigueur il faudrait acquitter. Or, le jeu des circonstances atténuantes, en partie basé sur la description de la personnalité du délinquant, permet de condamner sans certitude l’individu en modulant la peine prévue par la loi. Le schéma caricatural de ce raisonnement serait de la forme : « Nous sommes presque sûrs que c’est lui, mais il subsiste un doute. En même temps, il correspond si bien à ce qu’on lui reproche qu’on ne peut quand même pas le laisser partir comme ça. » L’incertitude de la culpabilité se transforme en peine atténuée par le jeu du discours d’expertise qui remplit alors le rôle d’une « preuve partielle » pour une « peine partielle ». La deuxième manière de fausser le principe d’intime conviction consiste à produire comme une (pseudo) légalité de la preuve. « Certaines preuves ont, en elles-mêmes, des effets de pouvoir, des valeurs démonstratives, qui sont plus grandes les unes que les autres, et indépendamment de leur structure rationnelle propre13. » En fonction de quoi ? En fonction du statut de celui qui les énonce. Le statut d’expert confère à son discours un poids particulier a priori, avant même de savoir ce qu’il va dire. La question étant la suivante : à quoi le juge ou les jurés sont-ils le plus sensibles ? : Au statut de l’expert qui autorise sa parole et lui confère une valeur de scientificité ou à la rationalité intrinsèque de son discours qui est basé sur une spécialité que l’auditoire n’est pas censé connaître ? Le tout contribue à tourner le troisième principe selon lequel le critère d’énonciation d’un jugement est la conviction d’un sujet rationnel accessible à une vérité universelle. Premièrement, le rôle de l’expertise dans le jeu des circonstances atténuantes conduit à produire un jugement basé sur une conviction relative, c’est-à-dire non pas l’adhésion à une vérité indiscutable, qui s’impose comme telle, mais à un calcul de proportion entre différents éléments hétérogènes : gravité du fait reproché, preuves matérielles, personnalité de l’accusé, dangerosité inférée etc. Et deuxièmement, cette conviction dépend d’une production contextuelle de la vérité (en termes de rapports de pouvoir) dans la mesure où le poids du discours d’expertise repose sur la « mise en scène » judiciaire. Il est en effet tout à fait concevable que le même type de discours n’emporte pas du tout l’adhésion dans d’autres circonstances.

         La catégorie du « grotesque »

Les discours d’expertise auraient donc comme étrange caractéristique de provoquer l’hilarité par le ridicule de leurs arguments et de faire peur par la puissance de leurs effets. Il y aurait là comme une contradiction, ou du moins un oxymore difficile à manier : une forme de discours à la fois risible et terrible. Or, non seulement Foucault affirme la compatibilité du risible et du terrible, mais il veut montrer que ces discours sont risibles en tant que terribles et d’autant plus terribles qu’ils sont risibles. Il mobilise pour cela la catégorie du « grotesque » comme forme immémoriale de l’exercice du pouvoir. Le grotesque, c’est une galerie de personnages politiques : Néron ou Ubu, figures du tyran, de la souveraineté arbitraire, mais aussi « le fonctionnaire médiocre, nul, imbécile, pelliculaire, ridicule, râpé, pauvre, impuissant » comme rouage du « grotesque administratif14 ». Le grotesque doit surtout être compris comme un concept, comme une combinaison particulière de pouvoir et de savoir. « J’appellerai « grotesque » le fait, pour un discours ou pour un individu, de détenir par statut des effets de pouvoir dont leur qualité intrinsèque devrait les priver15. » C’est qu’il ne s’agit pas du tout de se moquer. Dire que le personnage de l’expert et les discours qu’il tient sont grotesques, c’est faire bien plus que proférer une injure mesquine. Il ne faut pas comprendre le grotesque comme une limitation, un manque, une faiblesse de l’expertise qu’elle comblerait progressivement grâce aux progrès de la psychiatrie. Pour Foucault, la nature grotesque de ces discours est au contraire ce qui leur permet de fonctionner. Il tente de faire apparaître la positivité de cette débilité du savoir et de cette démesure du pouvoir, en montrant précisément comment elles se connectent et se relancent l’une l’autre.

« En montrant explicitement le pouvoir comme abject, infâme, ubuesque ou simplement ridicule, il ne s’agit pas, je crois, d’en limiter les effets et de découronner magiquement celui auquel on donne la couronne. Il me semble qu’il s’agit, au contraire, de manifester de manière éclatante l’incontournabilité, l’inévitabilité du pouvoir16.» Plus un pouvoir apparaît comme sans commune mesure avec ce qui est censé l’assurer, plus la question de son origine, de sa légitimité se pose. Or, le fait d’être capable, dans certaines circonstances, de refuser absolument de répondre à cette question, laisse totalement désarmés ceux qui subissent ce pouvoir. Pour le dire autrement, la critique d’un pouvoir repose sur la capacité à mettre en question la proportion entre sa source et ses effets ou si l’on veut l’adéquation entre sa dignitas et sa potestas. Or, quand à la place du lien entre ces deux pôles il n’y a qu’un grand vide, toute discussion sur la légitimité de leur mise en rapport devient inutile et même impossible.

3. La véritable question : Ce que produit l’expertise

        Produire des « doubles mixtes »

La première fonction de l’expertise psychiatrique, ou plutôt la série d’effets spécifiques qu’elle produit lors d’un procès, consiste à opérer plusieurs déplacements du champ psychiatrique vers le champ judiciaire. Plus précisément, elle consiste à produire comme « derrière », ou en plus, des objets classiques du monde judiciaire, un double appartenant à la pratique psychiatrique. Les résultats ce sont donc des figures dans lesquelles se superposent deux types de discours impliquant d’ailleurs des pratiques, des modes d’exercice du pouvoir différents. Premier « doublet », le couple délit-anomalie. Foucault affirme que le rôle croissant de l’expertise psychiatrique a été un opérateur essentiel dans le fait de redoubler l’acte délictuel par l’examen ou la construction d’une personnalité inquiétante, anormale, déviante qui doit expliquer l’acte en question. De ce point de vue, la brèche est immédiatement ouverte dès le code de 1810 et l’article 64 puisque la question de la responsabilité ne peut se poser sans une analyse de la personnalité, bien que cette analyse puisse alors se cantonner à la recherche d’éléments pathologiques. Mais à partir du moment où l’on demande à l’expert de donner son avis sur la dangerosité ou la curabilité et que cet avis possède une importance décisive, ce n’est plus le délit qui est jugé mais la prétendue cause de cet acte qui est incrustée par l’expertise au cœur de la personnalité du délinquant. Or, la psychiatrie est incapable de coder cette causalité obscure sous la forme d’une étiologie rigoureuse. Elle se rabat donc sur la recherche de toutes les anomalies de comportement qui peuvent être placées comme un arrière fond esthétique restituant au crime un semblant de rationalité et donc à l’acte de juger et de punir un paravent de légitimité. « L’expertise psychiatrique permet de constituer un doublet psychologico-éthique du délit. C’est-à-dire de délégaliser l’infraction telle qu’elle est formulée par le code, pour faire apparaître derrière elle son double qui lui ressemble comme un frère […] et qui en fait non plus justement une infraction au sens légal du terme, mais une irrégularité par rapport à un certain nombre de règles qui peuvent être physiologiques, psychologiques ou morales, etc.17 »

Cette opération est immédiatement à mettre en relation avec la production d’un deuxième doublet, la figure du délinquant-anormal. Dans sa pureté, toujours idéale, le jugement de la loi doit sanctionner l’auteur d’un délit ou d’un crime à la condition qu’il en soit responsable. Qui est cet auteur ? Au sens propre ce n’est personne de particulier, c’est un être humain doté d’une conscience à qui on peut attribuer deux choses : l’imputabilité matérielle du fait reproché (c’est lui qui l’a fait) et sa responsabilité morale (il l’a voulu), point final. C’était bien là le rôle de l’article 64 du code 1810, vérifier le lien causal entre un acte et une volonté. Or, l’extension du champ d’investigation de l’expertise va contribuer à déplacer ce lien causal de la volonté pure et indéterminée d’un sujet vers les manifestations involontaires d’un désir anormal qui s’est avéré être un désir de crime. Ce n’est donc plus la responsabilité d’un sujet souverain sur ses actes qui est jugée mais une toute autre forme de responsabilité, celle d’un objet physique et psychique qui est le théâtre de processus anormaux et donc potentiellement dangereux. Passage d’une pénalité sur ce qu’on fait à une pénalité sur ce qu’on est18. De la même manière que le déplacement du délit à l’anomalie permettait de redonner de la légitimité au jugement, celui de l’auteur conscient vers le simple agent porteur d’une causalité mécanique permet de re-légitimer la punition en en modifiant la rationalité, de la vengeance vers le traitement. Au final, « ce n’est plus un sujet juridique que les magistrats, les jurés ont devant eux, mais c’est un objet : l’objet d’une technologie et d’un savoir de réparation, de réadaptation, de réinsertion, de correction19. »

Enfin troisième doublet, le personnage du juge-médecin. En fait, plutôt qu’un seul personnage mixte, il se créé par le jeu de l’expertise psychiatrique pénale, deux personnages qui se prennent l’un pour l’autre. Le médecin est mis effectivement en position d’influencer un jugement de droit. Il peut d’ailleurs facilement se laisser emporter et pousser son analyse bien au-delà de la seule approche clinique. Son désir de jugement le met finalement sur une pente savonneuse qui l’entraîne inévitablement à faire plus qu’on ne lui demande. L’excès judiciaire et pénitentiaire de l’expertise est structurel et il en découle un inévitable déficit médical. Inversement, la présence de l’expert permet au juge de se prendre pour un médecin. Il lui permet d’esquiver l’implacabilité du pouvoir qui consiste à punir un acte en fonction d’un code au nom du peuple comme Souverain. Il peut persuader et se persuader qu’il s’agit en fait de corriger les défaillances d’un individu pour le bien du peuple comme population à protéger. C’est pourtant bien une peine qui tombe à la fin. Ainsi, sur la scène du procès, aucun acteur n’est capable de jouer son rôle, chacun dit ses répliques et prend ses poses en lorgnant sur le texte de l’autre et en se mimant réciproquement. Le médecin joue au juge et le juge au médecin qui joue au juge qui joue au médecin… On aura bien du mal à retrouver pures la loi et la science dans cette mise en abîme.

          Du pouvoir de la loi au pouvoir de la norme

Pour Foucault, l’expertise psychiatrique légale est finalement une pièce essentielle d’un grand processus historique de transformation de la pénalité – du projet d’un pouvoir de punir basé sur la loi immédiatement grignoté par un pouvoir de gestion des déviances qui combine des formes hétérogènes de savoir et de pouvoir pour produire un paradigme original : Le pouvoir de normalisation20. Premier aspect de ce processus, autant la loi est, idéalement, fixe, explicite et transcendante (en surplomb) autant la norme est fluide, cachée et immanente. Elle est fluide en tant qu’elle s’adapte en « temps réel » à l’évolution du domaine sur lequel est s’applique. Elle est cachée, non pas comme un secret, mais parce qu’elle fait partie intégrante des dispositifs dans lesquels elle fonctionne, elle leur est immanente par opposition avec la transcendance de la loi. Deuxième aspect, ce processus signifie que nous sommes passés d’un pouvoir binaire dont l’office est de séparer strictement ce qui doit l’être (interdit/autorisé, responsable/irresponsable, condamné/innocent, puni/libre…) à un pouvoir analogique de modulation fine et continue de ces oppositions. « Aux termes du Code pénal de 1810, aux termes mêmes de ce fameux article 64, où il n’y a ni crime ni délit, si l’individu est en état de démence au moment du crime, l’expertise doit permettre, devrait en tout cas permettre, de faire le partage : un partage dichotomique entre maladie ou responsabilité, entre causalité pathologique ou liberté du sujet juridique, entre thérapeutique ou punition, entre médecine et pénalité, entre hôpital et prison21. » Dans ce projet idéal de pénalité, il y avait finalement bien deux instances : La loi devait faire appel à la science pour effectuer un partage strict entre deux domaines. Leur collaboration devait servir à maintenir leurs puretés respectives, de manière à sauvegarder, tout à la fois – la rigueur de leurs systèmes normatifs – le respect de l’autonomie du sujet ou celui de la fragilité du malade – la spécificité et l’efficacité de leurs réponses, sanction ou traitement. Leur association a en fait créé un champ mixte dans lequel tout cela est perdu mais où se fabrique tout autre chose : un système mobile de normes, des individus responsables de ce qu’ils sont, un traitement correctif. Enfin, troisième aspect lié à l’émergence de la normalisation ; la place prise par le danger. L’objet de la pénalité tend à ne plus être la responsabilité subjective mais la dangerosité objective. Foucault précise que c’est autour des notions d’assurance et d’accident qu’il faut chercher la matrice de cette transformation. Le risque d’accident est entièrement séparé de la question d’une quelconque responsabilité, ou du moins il s’agit d’une « responsabilité sans faute ». Le risque est quelque chose que l’on peut mesurer, qui est à la fois inévitable et réductible et qu’il est possible de réparer. Et, au fond, qu’est-ce qu’une personnalité criminelle ? « Sinon quelqu’un qui, selon un enchaînement causal difficile à restituer, porte un indice particulièrement élevé de probabilité criminelle, étant en lui-même un risque de crime ?22 »

La loi ne disparaît pas, la médecine non plus, mais « il se constitue une sorte de complexe juridico-médical, actuellement, qui est la forme essentielle du pouvoir23 ». Ce type de pouvoir entend diriger les conduites en modulant son action selon différentes phases et ce dans n’importe quel domaine (judiciaire, scolaire, industriel etc.). Les individus (et d’une manière générale les corps vivants et les objets) voyagent entre des dispositifs de surveillance/capture permettant de détecter les anomalies fonctionnelles potentiellement dangereuses pour le système qui les englobe – des dispositifs d’examen/jugement permettant de définir la réaction appropriée – des dispositifs de correction permettant de réduire les défectuosités et donc les risques qu’elles portent – et des dispositifs de probation (qui se replient d’ailleurs sur le champ de la surveillance) qui permettent de tester la viabilité de cette correction24. Au niveau judiciaire et pénitentiaire, l’expertise psychiatrique a dorénavant une place dans toutes ces phases. Il faudrait d’abord partir du rôle de la psychiatrie et de la psychologie dans le dépistage préventif des anomalies de comportement. Ensuite, pour ce qui nous intéresse plus particulièrement, dès l’arrestation/capture une expertise peut avoir lieu en garde à vue, puis au moment de l’instruction, puis durant le procès, puis durant l’application de la peine (en particulier avant d’octroyer un aménagement de peine). L’expertise psychiatrique, ou plutôt les expertises, réalisent donc bien une fonction essentielle, non plus du tout éclairer un juge dans l’application de la loi, mais réaliser une vérification normative permanente et différentielle d’une catégorie d’anomalies porteuses de risques particuliers.

4. Fin de l’histoire ?

Mais pour régler la question, on peut bien dire que la critique foucaldienne a fait son temps. Le niveau de la psychiatrie légale aurait connu un saut épistémologique, ses discours ne font plus rire. L’expert aurait enfin gagné sa légitimité bien loin du personnage « grotesque » de jadis. Le juge aurait récupéré le pouvoir en remettant l’expert à sa place, notamment en matière correctionnelle où il apprécie de manière souveraine l’opportunité d’une expertise. Et finalement, la loi aurait bien conservé sa pureté en continuant à ne punir que le crime selon la loi. Elle ne se mélange pas avec la norme mais s’articule avec elle sans pénétration réciproque, la norme (vraiment médicale, expert oblige) n’intervenant que pour moduler la peine. Fort bien, il y aurait beaucoup à dire pour battre en brèche ces discours de réassurance derrière lesquels pointe un désoeuvrement palpable25. Mais il suffit ici d’évoquer la triste célèbre loi sur « La rétention de sûreté et déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », votée le 25 février 2008. Même si son application est restée limitée et son avenir incertain, sa seule existence suffit à démontrer l’actualité et la pertinence de l’analyse foucaldienne. Cette loi possède deux volets. Le premier volet, vise à retenir dans des centres fermés les auteurs de crimes violents condamnés à quinze ans de réclusion ou plus lorsqu’ils restent particulièrement dangereux et présentent un risque très élevé de récidive à l’issue de leur peine de prison. Cette rétention serait prononcée pour un an, renouvelable indéfiniment tant que la personne reste dangereuse. Elle doit également permettre sa « guérison » grâce à un suivi médical et social par une équipe pluridisciplinaire. On voit bien là l’aboutissement de la torsion effectuée par le pouvoir de normalisation. Il ne s’agit plus d’une peine puisque, quelle que soit la « juridiction » qui la décide, elle n’est pas la conséquence d’une infraction. Mais il ne s’agit pas non plus d’un traitement médical puisque, ce qui doit être « soigné », c’est une « dangerosité » ! Et « d’où viennent ces notions de dangerosité, d’accessibilité à la sanction, de curabilité ? Elles ne sont ni dans le droit ni dans la médecine. Ce sont des notions ni juridiques, ni psychiatriques, ni médicales, mais disciplinaires26. »

Le deuxième volet de la loi modifie la procédure de jugement des irresponsables pénaux pour cause de trouble mental. Il s’agit d’éviter la déclaration de non-lieu en permettant la tenue d’une audience qui pourra être publique et en présence de l’auteur des faits et lors de laquelle les juges pourront prononcer des mesures de sûreté s’appliquant dès la fin de l’hospitalisation d’office. Là aussi s’opère un étrange mélange. Il ne s’agit pas vraiment d’un procès puisqu’il ne peut être suivi d’aucune peine. Mais il ne s’agit pas non plus d’un examen de type médical puisqu’il en découle des décisions de justice contraignantes sans portée thérapeutique. C’est précisément en tant qu’il ne peut pas être considéré comme un sujet juridique libre et conscient que l’individu est capté ici par le pouvoir judiciaire. Et c’est en même temps parce qu’il porte une causalité pathologique menaçante que le droit lui impose des mesures de sûreté. L’intrication serrée entre droit et médecine est ici exemplaire puisque ces mesures n’interviennent qu’après la période d’hospitalisation d’office.

Il s’esquisse là comme l’achèvement du processus de torsion, finalement à l’œuvre dès le code de 1810. L’histoire d’un double mouvement de pathologisation des délinquants et de judiciarisation des fous qui installe en lieu et place de la Justice et de la médecine un pouvoir qui ne punit pas et qui ne guérit pas non plus, mais qui contrôle. Un pouvoir qui ne s’applique pas sur des délinquants ou des fous mais sur des éléments défectueux qu’il faut tenter de réparer en fonction de normes fonctionnelles et, qu’à défaut, il faut empêcher à tout prix de créer des dysfonctionnements. Si l’on considère que l’expertise psychiatrique a été l’opérateur essentiel de cette histoire alors on peut penser qu’elle connaît un grand succès aujourd’hui, loin des lamentations sur la crise de l’expertise française qu’il faudrait réformer d’urgence. Cette affirmation peut paraître osée si l’on se réfère à ses objectifs affichés établir un diagnostic et faire des pronostics dans ce cas, oui, l’expertise échoue. Elle s’impose au contraire si l’on considère sa véritable fonction. L’expertise a été une sorte de cheval de Troie par lequel le pouvoir de normalisation a colonisé la Justice et la médecine. Elle a été un ingrédient important jeté dans la cornue au sein de laquelle a pris forme un objet nouveau de gouvernement : l’individu moderne comme cible et résultat d’une vérification permanente de conformité.

Références bibliographiques :

Actes (1978). Cahiers d’action juridique,Délinquances et ordre. Librairie François Maspero.

Chauvaud, F., & Dumoulin, L. (2003). Experts et expertise judiciaire. France, XIXe et XXe siècles. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, Collection Histoire.

David, M. (2006). L’expertise psychiatrique légale. Paris: L’Harmattan.

Durif-Varembont, J.-P., & Weber, D. (2006). Violence et expertise du psychologue. Le journal des psychologues, 241, 63-67.

Fédération Française de Psychiatrie, (2007). Expertise psychiatrique pénale. Rapport de la commission d’audition, 25 et 26 janvier 2007. Paris, Ministère de la Santé et des Solidarités.

Foucault, M. (1973). Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au XIXème siècle. Folio, Histoire.

Foucault, M. (1994). La volonté de savoir. Gallimard, Tel.

Foucault, M. (1999). Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975. Paris: Gallimard/Le Seuil, Hautes études,

Foucault, M. (2001). Entretien avec Michel Foucault. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome III (pp. 97-101). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2001). L’angoisse de juger. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome III (pp. 282-297). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2001). L’évolution de la notion d’« individu dangereux » dans la psychiatrie légale du XIXe siècle. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome III (pp. 443-464). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2001). L’extension sociale de la norme. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome III (pp. 74-79). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2001). La vérité et les formes juridiques. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome II (pp. 538-646). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2001). Table ronde sur l’expertise psychiatrique. In M. Foucault (Eds.), Dits et écrits, tome II (pp. 664-675). Paris: Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.

Foucault, M. (2003). Le pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France. 1973-1974. Paris: Gallimard/Le Seuil, Hautes études.

1 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, Gallimard/Le Seuil, Hautes études, 1999, p. 7

2 Ibid., note 11, p. 26

3 Ibid., p. 4

4 Ibid., p. 6

5 Michel Foucault, « Entretien avec Michel Foucault » dans Dits et écrits, tome III, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, pp. 97-101

6 Sur ces points voir Frédéric Chauvaud,, Experts et expertise judiciaire. France, XIXe et XXe siècles, Presses Universitaires de Rennes, Collection Histoire, 2003 et Michel David, L’expertise psychiatrique légale, L’Harmattan, 2006

7 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, p. 32

8 Ibid., p. 33

9 Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France. 1973-1974, Gallimard/Le Seuil, Hautes études, 2003, p. 250. Robert Castel livre une interprétation proche mais avec un autre regard disciplinaire dans « Les médecins et les juges »in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au XIXème siècle, Folio, Histoire, 1973 : « Que justice et médecine mentale se disputent l’acte de Rivière pose premièrement un problème d’étiquetage en référence à deux noyaux de savoir : coupable ou fou. Derrière cet enjeu théorique, se dessine également une concurrence entre des agents qui défendent leur place dans la division du travail social : à quel type de spécialistes confier cet homme et quelle sera sa « carrière » en fonction du verdict ou du diagnostic ? Mais on assiste encore, troisièmement, à travers l’unanimité de la psychiatrie naissante, à la tentative de gagner un espace d’intervention entre l’après-coup et l’avant-coup, la répression consécutive et l’action préventive dans lequel l’avenir de la médecine mentale va se déployer. […] Le principal enjeu de la concurrence que se livrent à l’époque les instances pénale et médicale est de substituer partiellement un mode de contrôle à un autre. »

10 Michel Foucault, « L’angoisse de juger » dans Dits et écrits, tome III, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, p. 297

11 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, p. 7. Après l’abolition de la peine de mort, il est toujours possible de considérer ce pouvoir de « vie et de mort » en liaison avec la morbidité particulière du milieu carcéral.

12 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire. France, XIXe et XXe siècles, p. 175

13 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, p. 11

14 Ibid., p. 13

15 Ibid., p. 12

16 Ibid., p. 13

17 Ibid., p. 16

18 Sur ce point, voir Michel Foucault, « L’évolution de la notion d’« individu dangereux » dans la psychiatrie légale du XIXe siècle », dans Dits et écrits, tome III, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, particulièrement les pages 458 à 464

19 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, p. 20

20 « Nous sommes entrés dans un type de société où le pouvoir de la loi est en train non pas de régresser, mais de s’intégrer à un pouvoir beaucoup plus général : en gros, celui de la norme. Regardez quelles difficultés éprouve aujourd’hui l’institution pénale elle-même à accepter en tant que tel l’acte pour lequel elle est faite : porter une sentence. Comme si punir un crime n’avait plus guère de sens, on assimile de plus en plus le criminel à un malade, et la condamnation veut passer pour une prescription thérapeutique. » Michel Foucault, « L’extension sociale de la norme » dans Dits et écrits, tome III, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, p. 75

21 Michel Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, p. 29

22 Michel Foucault, « L’évolution de la notion d’« individu dangereux » dans la psychiatrie légale du XIXe siècle », p. 461

23 Michel Foucault, « L’extension sociale de la norme », pp. 76

24 Ce recyclage permanent des déviances, cette fabrication industrielle de normalité charrie bien sûr des résidus inassimilables pour lesquels se reconstituent des dispositifs d’élimination

25 La fiabilité des expertises psychiatriques est perpétuellement mise en question, jusque dans les rapports parlementaires. Ainsi, il y a une « crise de l’expertise psychiatrique » « L’expertise psychiatrique est aujourd’hui au coeur d’un débat faisant apparaître des critiques tant institutionnelles que matérielles ou structurelles. » dans le Rapport sur la mission parlementaire confiée par le Premier Ministre à Monsieur Jean-Paul Garraud, Député de la Gironde, Sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux, Ministère de la Justice, Ministère de la santé et des solidarités, octobre 2006. Mais quand l’expertise psychiatrique n’a-t-elle pas été « en crise » ?

26 Michel Foucault, « Table ronde sur l’expertise psychiatrique » dans Dits et écrits, tome II, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, p. 672


A propos de Razac

Après des études de philosophie à l'Université Paris 8 dans les années 90 et une période de production d'essais de philosophie politique sur des objets contemporains (le barbelé et la délimitation de l'espace, le zoo et le spectacle de la réalité, la médecine et la "grande santé"). J'ai travaillé pendant huit ans comme enseignant-chercheur au sein de l'Administration Pénitentiaire. C'est dans cette institution disciplinaire que j'ai compris ce que pouvait signifier pour moi la pratique de la philosophie, c'est-à-dire une critique des rationalités de gouvernement à partir des pratiques et dans une perspective résolument anti-autoritaire. Depuis 2014, j'ai intégré l'université de Grenoble comme maître de conférences en philosophie. Je travaille sur la question de l'autorité politique, sur les notions de société du spectacle et de société du contrôle. J'essaie également de porter, avec les étudiants, des projets de philosophie appliquée déconstruisant les pratiques de pouvoir. Enfin, nous tentons de faire vivre un réseau de "philosophie plébéienne", anti-patricienne donc, mais aussi en recherche de relations avec tous nos camarades artisans de la critique sociale.

Laissez un commentaire