éthique


Pensée de la mort comme absolu et vitalité philosophique

Télécharger le PDF Il s’agit de s’interroger sur les rapports entre médecine, philosophie et santé, plus particulièrement sur la différence, voire l’incommensurabilité de deux pensées (et pratiques) de la santé : l’une que l’on pourrait appeler médicale, l’autre philosophique. Plus précisément, le questionnement portera sur la question de la mort, ou plutôt de la pensée de la mort, qui est par définition hors du champ d’opération technique de la médecine, alors qu’elle est le point culminant d’une certaine vitalité philosophique. Afin de déplier ce problème, partons d’une image de la médecine1. Image triple de la médecine comme une diététique des excès, une énergétique de la performance et une cybernétique de la normalité – médecine corrélative d’une triple santé de l’équilibre, de l’efficacité et de l’intégration. Ces trois dimensions sont descriptibles historiquement (généalogiquement aurait dit Foucault) et techniquement : – La médecine du régime provient de la médecine hippocratique de l’équilibre des humeurs […]


F… comme Facebook

Ces articles sont issus d’une rencontre avec Alain Damasio organisée par Guillaume Gourgues et Ouassim Hamzaoui le 29 juin 2012 à l’université de Grenoble. Les organisateurs avaient décidé de nous faire réagir sur un abécédaire maison, adapté à nos questions. La journée s’est révélée passionnante (au moins pour nous) et nous pensions en publier le résultat. Cela n’a pas pu se faire, je livre donc ici le résumé de mes interventions sur des sujets aussi divers que la virtualisation, la surveillance, la neutralisation ou la résistance. Dans les textes qui suivent, j’ai conservé autant que possible l’oralité de ces rencontres. Facebook, ce serait le système mondial automatisé d’une forme renouvelée de confession, telle que Foucault l’a pensée. C’est l’autoproduction de son individualité normalisée dans la relation avec un autre, ou des autres. Cet autre vis-à-vis duquel je me définis, ce n’est pas le prêtre, le médecin, le flic, le psychanalyste, […]


Utopies banales

Résumé : L’utopie est classiquement une pensée religieuse où il s’agit de résister vers… un idéal transcendant que justement on n’atteindra jamais, nous condamnant ainsi à l’impuissance et les lamentations. Or, dans les « sociétés de contrôle », notre vie entière est gouvernée à la gestion, dans une ambivalence permanente entre sécurité, confort et coercition, frustration… D’où la nécessité d’une autre pensée de l’utopie qui parte du présent, de la manière effective dont nous sommes gouvernés. L’utopie consiste alors à résister à… en créant des espaces-temps différentiels échappant à la gestion. Ultimement, dans la mesure où l’on ne pense plus en fonction d’un dehors mais dans l’immanence même du pouvoir qui nous enserrent autant que l’on y participe, l’utopie peut se diffracter en un résister dans…, grignotant sans cesse les conditions de l’ordre établi. Accéder au texte sur le site web/revue additionaldocument Ce texte fait suite à La gestion de la perméabilité


Une philosophie plébéienne

La philosophie reste largement une pratique autoritaire au service de l’autorité. On peut même penser qu’elle régresse, en particulier à l’Université, vers cette « origine » platonicienne. C’est pourquoi il nous faut reprendre sans cesse, chacun pour notre compte et tous ensemble, la production d’une philosophie qu’un Nietzsche appelait « inactuelle » ou « intempestive » et que Foucault a pratiqué dans un souci critique de « l’actuel ». « Il appartient à la philosophie moderne de surmonter l’alternative temporel-intemporel, historique-éternel, particulier-universel. À la suite de Nietzsche, nous découvrons l’intempestif comme plus profond que le temps et l’éternité : la philosophie n’est ni philosophie de l’histoire, ni philosophie de l’éternel, mais intempestive, toujours et seulement intempestive, c’est-à-dire contre ce temps, en faveur, je l’espère d’un temps à venir. » La philosophie de l’histoire et de l’éternité est finalement une philosophie qui fait remonter le temps présent à un fondement absolu et/ou le subordonne à une finalité absolue. De ce point de […]


Sur le film Hunger, ou la question des prisonniers politiques en démocratie

Résumé : Le film Hunger de Steve McQueen attire l’attention du spectateur par son esthétique fascinante. Il s’agit pourtant également d’un grand film de philosophie politique. En traitant de la résistance des prisonniers de l’IRA en 1981 et de la grève de la faim fatale de Bobby Sands, il livre une réflexion précieuse sur la question des prisonniers politiques en démocratie. Plus profondément, il met en scène les ambiguïtés des jeux entre le pouvoir et la résistance dans les démocraties consensuelles et biopolitiques. Accéder au texte sur le site de la revue Appareil


La transcendance qui ne dit rien

Résumé : L’athéisme n’est pas une chose facile. On peut bien dire qu’on ne croit plus en tel ou tel dieu, on continue à penser et à vivre en fonction de l’Eternel. Parce que l’Eternel est une production du type humain. Une sale manie d’éterniser le temps relatif des choses vécues dans une figure hors du temps et du monde. Parce que l’homme est celui qui ne veut pas mourir. Qui ne veut pas penser que vivre et mourir sont la même chose. Pourquoi, dès lors, combattre cette manie consolatrice ? Pour en finir avec le jugement, c’est-à-dire la hiérarchisation infinie des choses selon le principe de l’Eternel. La pensée du néant nous permet d’être saisis par l’absolue relativité des choses. Ce paradoxe vécu dans la chair est aussi vital qu’intenable ? C’est toujours mieux que le déni mortifère de la superstition. Lire la suite Télécharger le PDF


La dépersonnalisation, éthique et politique

Résumé : Les combats politiques continuent massivement d’être captés par la figure de l’Etat et surtout pour en revendiquer l’amélioration. En 1978, Foucault annonçait pourtant des formes de résistance différentes, comme dissolutions créatrices et microscopiques de l’état des choses. Un des points essentiels de ce déplacement des résistances implique un lien intime entre éthique et politique dans la mesure où la gouvernementalité moderne passe par des aller-retour incessants qui lient l’individu à la masse et produisent la masse à partir des individus. Le nœud de ce processus de normalisation est la personnalité comme structure réglée de l’existence individuelle. Tout déplacement politique suppose donc un mouvement de déprise de soi comme structure de personnalité, une dépersonnalisation. Et cela est tout aussi vrai pour les personnalisations militantes vécues comme subversives. Ne plus croire en la nécessité de ce que nous sommes censés être mais dans notre pouvoir de nous changer nous-mêmes. Une version […]


La grande santé

Olivier Razac, La grande santé, bien être médical ou vitalité philosophique, Climats/Flammarion, 2006 La médecine protège un corps machine contre des accidents, des dangers et des risques. Envisagé ainsi, ce corps se voit plongé dans le temps oppressant de l’attente, de l’usure et de la prévision. Sa vie est minée par une mort omniprésente qui la grignote et une mort impensable qui la clôt. La grande santé, elle, s’exprime dans un rapport particulier à la dépense où le sacrifice joyeux vient remplacer la comptabilité inquiète ; une pensée du temps qui ne suit pas la pente de l’inévitable dégradation mais s’éternise dans l’instant présent ; une pensée de la mort qui n’est plus l’usure fatale du corps contre laquelle on lutte sans jamais gagner, mais la décision affirmative de la haute puissance. Dès l’antiquité, la philosophie stoïcienne montre que la santé ne dépend pas de nous et que seule une extrême tension […]


L’écran et le zoo. Spectacle et domestication, des expositions coloniales à la télé-réalité

Résumé : Le spectacle est de plus en plus un spectacle de la réalité. Pas seulement dans les émissions les plus voyantes et controversées comme les différents avatars de Big Brother. Mais aussi dans les reportages dits d’information, les actualités et même les fictions qui se complaisent dans une rumination du banal. Surtout, le problème de cette évolution médiatique ne doit pas être rabattu sur la question morale ou politique du contenu, comme s’il suffisait de véhiculer de bons modèles pour clore la question. Ce qu’il faut analyser, ce n’est pas ce qui est diffusé mais un mode spécifique de diffusion, afin de comprendre les effets spécifiques que cette diffusion peut avoir. Or, le spectacle de la réalité fonctionne comme un zoo, il prend essentiellement la forme d’un spectacle zoologique, animalier ou humain. Aucune provocation dans le choix de ce modèle, mais une comparaison heuristique. Le zoo, comme dispositif spectaculaire, est caractérisé […]